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Cette étude menée sur corpus porte sur le parler des jeunes russes et français de 18 à 23 ans inscrits dans des facultés de «lettres et langues» à l'Université de Poitiers et à l'Université de Iaroslavl. À ce jour, de nombreuses études ont été effectuées sur le français des banlieues, mais très peu de linguistes se sont intéressés aux pratiques non-standard propres aux jeunes étudiants.
Le corpus de travail utilisé dans le cadre de cette thèse comprend 4 sous-corpus (a) oraux (105h d'enregistrement de conversation en milieu naturel, ainsi que de conversation publique lors d'émissions de radio «jeunes») et (b) écrits (34355 mots ; constitués d'occurrences relevées dans les réseaux sociaux) et représente une ressource bilingue de corpus comparables en français et en russe.
Ce travail propose une analyse contrastive pluridimensionnelle des données langagières spontanées (orales et écrites), s'inscrit dans le domaine de l'articulation sémantique/syntaxe/pragmatique et comprend trois volets :
Premièrement, il fournit une analyse des moyens linguistiques (lexicaux, morpho-sémantiques, prosodiques et graphiques) utilisés pour l'expression de contenus émotivo-évaluatifs, trait fondamental des discours observés. Leur mobilisation permet de créer une connivence autour de l'évaluation du monde environnant (des attitudes, des intentions, des qualités et des défauts) et de créer des liens de solidarité entre locuteurs basés sur le principe de ludicité, de plaisir, de jeux et de partage. Les résultats obtenus montrent que le lexique du parler jeune est majoritairement ambivalent que ce soit en français ou en russe. C'est en contexte que les items se «chargent» d'une valeur connotative.
Deuxièmement, comme dans chaque énoncé il y a cumul de procédés, une typologie des procédés de création lexicale a été dressée ainsi qu'une présentation systématisée des caractéristiques sémantico-structurelles et syntaxico-pragmatiques les plus fréquentes du parler des jeunes français et russes (notamment, l'emploi des marqueurs discursifs, leurs associations, fréquence et substituabilité).
Troisièmement, les rapprochements faits entre les énoncés oraux et écrits présents dans le corpus ont permis de constater que le numérique a fait apparaître de nouvelles conditions de communication ce qui a fait émerger de nouvelles stratégies communicatives. Aujourd'hui, les échanges ont un caractère multimodal qui se décèle surtout chez les jeunes, utilisateurs natifs de la «réalité numérique». L'analyse des discours en face à face et des discours médiés par ordinateur, a permis de constater que le «numérique» et le «non-numérique» sont en co-construction permanente et ne sont pas séparables : les outils linguistiques mobilisés dans l'un et l'autre environnement sont les mêmes et posent de façon nouvelle les réflexions sur l'opposition traditionnelle oral/écrit.
Par ailleurs, la dimension contrastive de l'étude a mis en évidence que, si certains traits restent propres à chacune des deux populations car les jeunes sont évidemment porteurs de différentes cultures nationales, on voit très nettement l'impact des réseaux sociaux qui fondent un espace culturel global où les jeunes de différents pays du monde sont devenus porteurs d'un imaginaire collectif et créent ensemble des codes communs qui permettent des échanges multiculturels d'un nouveau type.