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Très peu connue de la jeune génération en Espagne, l'œuvre plurielle de Fernando Fernan-Gómez l'est encore moins en France, hormis des hispanistes et spécialistes. De fait, lorsque l'on évoque FFG, c'est toujours l'acteur devenu monstre sacré du cinéma espagnol qui s'impose, avec ses quelque 200 films. Acteur très populaire pendant le franquisme (années 1940-50) dans des rôles type (moine, prêtre, missionnaire, militaire) et parfois estampillé acteur du régime par certains commentateurs, il sut donner à sa carrière un tournant décisif au début des années 50 en déployant une autre facette de son talent comme cinéaste «dissident». Il abordera des thématiques embarrassantes et dangereuses pour le régime et la censure (la folie, la prostitution, la dislocation de la famille, la satire de l'Opus Dei, la critique de la politique, la précarité du travail, l'hypocrisie d'une société en proie à ses contradictions). Son œuvre cinématographique, de qualité inégale selon ses films de commande ou ses projets personnels, offrira deux chefs d'œuvre au 7ème art espagnol El mundo sigue et El extrano viaje mais lui coûtera des ennuis avec la censure et sera marginalisée. C'est d'ailleurs de cette époque que date sa réputation de « cinéaste maudit » conséquence d'une pétition de soutien en faveur des mineurs des Asturies contre l'État franquiste qui aura de graves répercussions sur la suite de sa carrière.
C'est justement à ce moment charnière qu'il modifia l'ordre établi et sa mise à l'écart du monde médiatique. Désesp_éré par cette situation, mis au ban, financièrement aux abois, il va prendre une nouvelle voie. L'écriture sera sa délivrance à travers différents projets restés depuis longtemps dans les tiroirs auxquels il donnera une deuxième vie. Un recueil de poèmes, des romans, des essais, des pièces de théâtre ... FFG venait de trouver une nouvelle ruse face aux censeurs et autres détracteurs qui avaient entravé sa progression. En 1977, il remporte le Prix Lope de Vega pour sa pièce de théâtre « mémorielle » Las bicicletas son para el verano : consécration pour celui qui, depuis l'enfance se rêvait conteur et avait étudié les Humanités à la faculté, stoppé dans son élan par la guerre civile. Ce drame autobiographique retrace la vie madrilène de plusieurs voisins d'un même immeuble, de condition et d'idéologies différentes en pleine guerre civile écrasés sous les bombes, tenaillés par la faim, la peur de la mort et l'incertitude des lendemains. Signalons dans cette veine ses romans ultérieurs, au départ radiophoniques comme El mar y el tiempo, El viaje a ninguna parte qui seront ensuite publiés et adaptés par lui au cinéma et forment avec son film Mambru se fue a la guerra une trilogie de la mémoire.
À la lueur de ces propos liminaires il va s'en dire que cette thèse a pour objectif d'analyser Les représentations du franquisme et ses corollaires dans son œuvre cinématographique et littéraire en explorant entre autres choses les rapports entre Art et Pouvoir, création et censure, État franquiste vs liberté d'expression. Il s'agit de mettre en exergue la politisation des Arts, la modernisation et les mutations, le rôle de la mémoire et des marges, brefle rôle de l'artiste comme éclaireur. Et plus encore car il est question d'étudier les différentes modalités d'expression dans ce contexte autoritaire : codes, déviations, sousentendus, messages brouillés ou à mots déguisés, clins d'œil pour tromper la censure et pour tenter d'exister dans un monde hostile. Tel est le postulat de ce doctorat qui prend tout son sens quand dans les années les années 70, jugé alors démodé, FFG acteur réussira à nouveau à crever l'écran grâce à des cinéastes comme Carlos Saura, Victor Erice, Jaime de Arminan qui lui confieront des rôles à contre-emploi dans une partition plus intimiste et intellectuelle, avant-garde, relançant ainsi sa carrière jusqu'à sa mort...