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Réduire l’utilisation des produits phytosanitaires, sans affecter le rendement et la qualité des productions agricoles, est l’un des grands enjeux du XXIe siècle. La recherche de nouvelles molécules doit se concentrer sur une efficacité optimale tout en minimisant les effets nocifs sur la santé humaine et l’environnement. D’autres solutions avec des profils de sécurité plus favorables peuvent également être envisagées. Parmi celles-ci, la stimulation des défenses naturelles des plantes occupe une place de choix afin de réduire l’utilisation de pesticides. Les plantes peuvent se défendre en réponse à un stress en produisant des molécules qui vont induire une réponse adaptée. Ces composés, appelés éliciteurs, jouent un rôle majeur dans la mise en place de ces défenses.
Parmi ces molécules, l’acide salicylique est un composé impliqué dans de nombreux processus biologiques et physiologiques des plantes. L’usage d’acide salicylique pour la protection des cultures a montré son intérêt, mais avec toutefois une limitation majeure. En effet, lorsqu’il est apporté de façon exogène à la plante, ce dernier est rapidement compartimenté dans le végétal et n’aura donc une activité biologique que sur une courte période. Il s’avère donc nécessaire de trouver une stratégie permettant à l’acide salicylique d’être disponible sur un plus long terme in planta. Pour parvenir à cet objectif, nous avons utilisé une stratégie de prodrogue validée antérieurement au laboratoire avec un fongicide associé à un nutriment tel qu’un α-aminoacide ou un sucre. Cette approche permet l’obtention de conjugués qui peuvent leurrer les transporteurs de la membrane plasmique, permettant ainsi un passage dans la sève phloémienne et un transport à longue distance chez la plante. En appliquant ce concept de bioprécurseur à des composés éliciteurs, ces travaux ont pour objectif de synthétiser de nouveaux conjugués, avant d’évaluer leur capacité à se concentrer dans la sève phloémienne et à libérer progressivement la matière active pour stimuler les défenses naturelles des plantes. Dans le cadre de ces travaux, l’acide salicylique a été sélectionné en tant que substance active ainsi que deux analogues chlorés, les acides 5-chloro et 3,5-dichlorosalicylique.
Au cours de la première partie de ce travail, des conjugués d’acide salicylique et de ses deux analogues chlorés ont été synthétisés en réalisant diverses variations structurales. Ainsi, nous avons pu obtenir des conjugués en réalisant des modulations au niveau de la substance active (acide salicylique ou analogues chlorés) ou du nutriment (α-aminoacide ou sucre). La liaison entre la substance active et le nutriment est parfois directe, tandis que d’autres conjugués comportent un espaceur avec diverses variations structurales (1,2,3-triazole, éthylène, 1,4 et 1,5-dicarbonylé). Ces synthèses multi-étapes ont permis l’obtention de seize conjugués d’acide salicylique ou analogues liés à un aminoacide (acide glutamique, tryptophane, acides diaminopropionique et butyrique, lysine et sérine) ou à un sucre (glucose).
La seconde partie de ce travail a consisté à réaliser des études biologiques préliminaires avec six conjugués. Ces derniers associent l’acide salicylique et ses deux analogues chlorés à du β-D-glucose ou de l’acide L-glutamique via un espaceur 1,2,3-triazole. La mobilité phloémienne a été évaluée chez le ricin en comparaison des trois molécules parents. Les résultats obtenus ont mis en évidence une meilleure mobilité des conjugués avec un aminoacide, notamment celui avec l’acide salicylique, en comparaison de ceux incluant du glucose. Ces six conjugués ont ensuite été évalués sur un modèle de laboratoire quant à leur activité sur l’helminthosporiose du maïs. Ils ont tous montré une activité inhibitrice significative sur le développement des nécroses foliaires induites par cette maladie, l’effet le plus intéressant étant noté avec le conjugué d’acide salicylique à fonction α-aminoacide.