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Alfredo Molano, écrivain et sociologue colombien contemporain, remet en question la concentration de la propriété terrienne et la distribution inégale des richesses. L'étude de son oeuvre explore trois axes centraux. Premièrement, la transformation de son écriture, qui évolue d'un format propre au discours scientifique vers le témoignage journalistique et littéraire. Cet écart par rapport à l'objectivisme scientifique entraîne un certain risque de fictionnalisation, que l'écrivain assume, car, d'après lui, il ne porte aucune atteinte à la factualité des récits et favorise en revanche leur lecture et leur diffusion. Nous avons également analysé la technique, chère à l'écrivain, de l' « imputation », consistant en la fusion de plusieurs témoins en un seul personnage, qui garde les traits des individus dont il s'est inspiré. Notre intérêt s'est aussi porté sur l'hybridation générique, puisque le Colombien fait appel aux récits de vie, de voyages et d'apprentissage, autant qu'aux textes sentimentaux, d'action et d'aventures, et à l'essai, entre autres. Cette confluence reflète la complexité d'une société féodale et postmoderne, et permet l'expression d'une variété de témoins hétérogènes, notamment les Amérindiens, les paysans, les activistes politiques, les délinquants et les prisonniers. Ils sont, pour la plupart, victimes de l'inégalité et du conflit permanent entre le centre hégémonique et la périphérie opprimée, deux pôles aussi flous que la violence est tangible, sanglante et multiforme. Alfredo Molano, comme la plupart des témoins, ne s'en tient pas au constat de cette violence, il la dénonce ouvertement et propose des solutions structurelles. Il s'oriente vers la construction d'une « mémoire historique », reconnaissant la souffrance des victimes, et vise une société non seulement hybride, mais surtout juste et égalitaire.