L'ambigüité morale de la fin'amors dans le roman courtois des XIIe-XIIIe siècles
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La fin'amors, «cet amour courtois si compliqué à vivre et à chanter, cet amour dont la mesure de la sincérité est la qualité de la poésie», qui est exalté et évoqué au débout dans la lyrique des troubadours, a depuis toujours, suscité un vif intérêt de la part de la critique moderne et contemporaine. Le corpus lyrique des troubadours a été à l'origine de la constitution du premier langage érotique et des topoi et motifs de la fin'amor avant qu'ils trouvent un écho et une résonnance dans les autres littératures européennes : au nord de la France, avec les trouvères, dans l'espace germanophone avec les Minnesënger, dans la péninsule Ibérique et en Italie. L'étude que nous avons essayé de construire comme une hypothèse de lecture, de la traslatio amoris, dans les différentes manifestations littéraires françaises des XIIe et XIIIe siècles, notamment à partir de la lyrique courtoise jusqu'au roman en prose, a révélé, nous semble-t-il, qu'un certain nombre de topoi et motifs de la fin'amors, parmi lesquels on peut citer le désir en absentia et les personnages canoniques du lauzengiers et du gelos qui, dans le roman arthurien, trouvent une nouvelle dimension, ont été utilisés par les romanciers qui ont ainsi créé des véritables summae, en faisant de l'amour courtois le cœur et le moteur de la narration : l'axe syntagmatique autour duquel tourne le roman. Ce sont les légendes d'amour de Tristan et Iseut ou de Lancelot et Guenièvre qui offrent la représentation la plus aboutie de la fin'amors : il s'agit de deux histoires de passions totalisantes et adultères avec une dimension et une perspective sociales que l'on peut retrouver dans l'univers des cours de l'époque. L'intérêt remarquable pour les amours illicites des amants se traduit dans l'immense continuation en prose du XIIIe siècle qui assure la circulation de l'histoire tragique des protagonistes dans toute l'Europe médiévale, en faisant de l'amour adultère un mythe de la culture occidentale. Si les histoires d'amour et d'adultère des couples Lancelot-Guenièvre et Tristan-Yseut ont trouvé un terrain fertile dans les grandes continuations en prose du XIIIe siècle, qui reprennent certains thèmes et motifs propres de la fin'amors, il existe, d'ailleurs, une tradition de romans courtois en vers que l'on peut considérer comme une sorte de catégorie hybride, puisqu'ils alternent narration et pièces lyriques ; il s'agit, spécifiquement, des romans «de l'amour troubadour», qui font de la fin'amors le centre focal de toute la narration. Toutefois le choix adopté par les différents écrivains de récits en vers et en prose de développer une narration entière à partir du récit d'une relation adultérine, entraîne une série d‘implications morales et sociales qui semblent refléter, à travers les mots des personnages - même s'il faut se méfier de toute identification automatique et de toute lecture historicisante des textes fictionnels - la pensée des romanciers et de la société de l'époque. Des récits en vers jusqu'aux romans en prose, les amours illicites des couples protagonistes sont remarquablement développés: l'amour courtois ne confère pas seulement une cohésion interne et externe au récit mais, en servant de fil conducteur entre les différents épisodes, il permet aux romanciers de (re)créer nouvelles aventures, en favorisant donc les continuations de ces romans.
Mots-clés libres : Amour courtois, fin'amors, roman courtois, Chrétien de Troyes, Lancelot en prose, Tristan en prose.
Fin'amors, «cet amour courtois si compliqué à vivre et à chanter, cet amour dont la mesure de la sincérité est la qualité de la poésie», is a very complex concept to define; since it was first exalted by the troubadours' poetry, it has always elicited a keen interest in modern and contemporary critics. The corpus of troubadours' poems laid the foundations for the first erotic language and for the creation of a series of topoi and motifs, which characterise the ideal of the fin'amors; they eventually found a breeding ground for the other European literatures: in the North of France, specifically with the trouvères'poetry, in the German-speaking areas, thanks to the Minnesënger, in the Iberian Peninsula and in Italy. We have tried to build a case study, as a possible interpretation of a traslatio amoris into the different French literary manifestations of the 12th and 13th centuries, particularly starting from the troubadours' poetry until reaching the prose romance. It appears that a certain number of topoi and motifs of the fin'amors - among these one can mention the desire in absentia and two topical characters, the lauzengiers and the gelos who find a new dimension in the Arthurian romance - have been used by the Medieval writers to create their great summae, by making the courtly love the heart and motor of the story-telling: the syntagmatic axis around which the whole romance revolves. The love legends of Tristan and Iseult and Lancelot and Guinevere offer the most successful narrative representation of the fin'amors: it is about two stories of immersive erotic passion based on adulterous relations, which share a social dimension and a courtly perspective. The remarkable interest for these illicit loves is best expressed in the prose continuation of the 13th century which assures the circulation of the legends all over Medieval Europe, by making the protagonists' adulterous love a myth for the Western culture. On the one hand the protagonists' love stories find a new dimension in the prose romances, which evoke and develop certain themes and motifs of the fin'amors into a more complex narrative frame; on the other hand there is a whole tradition of verse romances, called "Romans de l'amour troubadour", that is a sort of hybrid category, which alternate narration and poetry. These peculiar stories, entirely based on the adulterous relationship between the protagonist and a married woman, revive some of the most important elements of the troubadours' poetry, by making the fin'amors the keystone of the narration. However, both in the verse and the prose romances, the authors' choice to set up a whole story based on an adulterous relationship implies a series of social and moral implications, which are revealed through the different characters' speeches, and appears to mirror the writers and the society's thoughts at the time. From verse to prose, the two couples' forbidden loves are remarkably developed. The courtly love carries out a double function: it gives the narration an internal and external cohesion and, being the common thread for the various episodes, it allows the writers to (re)create new adventures and to foster the romance continuations.
Keywords : Courtly love, courtly romance, fin'amors, Chrétien de Troyes, prose Tristan, prose Lancelot.
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