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Ces travaux de recherche s'inscrivent dans le cadre de l'étude de faisabilité du stockage des déchets radioactifs en couches géologiques profondes. L'option développée actuellement par l'Andra, inclut l'utilisation de plusieurs types de matériaux cimentaires en contact avec l'argilite du site du Callovo-Oxfordien (COX). L'argilite et les bétons sont caractérisés par des solutions porales multi ioniques très différentes en termes de concentrations et de pH. Contrôlée par les différences de concentrations, la diffusion des espèces aqueuses entre ces solides poreux induit des perturbations chimiques et physiques. Cette étude s'appuie sur un travail expérimental, analytique et numérique dans le but d'identifier les mécanismes contrôlant l'influence d'un environnement argileux sur les matériaux cimentaires. Deux pâtes de ciment durcies sont étudiées : une pâte CEM I, et une pâte " bas-pH " (ciment CEM I + fumée de silice + cendres volantes). Cette dernière est développée spécifiquement pour l'application stockage afin de limiter le panache alcalin vers l'argile. Deux montages expérimentaux sont créés : un premier où le matériau cimentaire est immergé dans une solution représentative de l'eau porale du COX, dans des conditions respectant la chimie du milieu argileux (pCO2 élevée, concentrations en carbonates, sulfates, pH neutre...). Les essais sont réalisés de 1 à 10 mois à 25°C. Le second dispositif permet le confinement des matériaux argileux en contact avec une pâte de ciment de 2 à 12 mois à 20 et 50°C. Les porosités des matériaux sont saturées. Les échanges de matière s'effectuent par diffusion en fonction des gradients de concentrations. Systématiquement, le matériau CEM I subit une décalcification, une carbonatation et une précipitation d'ettringite. Le matériau " bas-pH " est soumis à une décalcification, une dissolution de l'ettringite et à la formation de silicates de magnésium hydratés (M-S-H). Une pâte de ciment CEM I immergée dans la solution d'eau de site du COX développe une croûte de calcite recouvrant la totalité de la surface du matériau et limite la progression du front d'altération à une centaine de microns après 10 mois d'interaction (colmatage). Le même matériau en interface avec l'argilite remaniée du COX à température ambiante, présente une altération plus intense, jusqu'à près d'1 mm de profondeur après 1 an, provoquant une ouverture de porosité sur l'ensemble de l'épaisseur d'altération (pas de colmatage, faible carbonatation). Dans cette dernière configuration, à 20°C comme à 50°C, l'évolution du front d'altération est proportionnelle à la durée d'interaction. L'argilite subit une illitisation sous l'effet de la diffusion du KOH, mécanisme libérant du silicium et provoquant la précipitation de C-S-H de faible rapport CaO/SiO2 (0,8) à l'interface. Une pâte de ciment " bas-pH " immergée dans la solution d'eau de site du COX montre une altération intense, une déstructuration totale en surface liée à la décalcification totale de son C-S-H de départ de faible rapport CaO/SiO2 (≈ 0,8), se transformant en silice amorphe. La carbonatation (calcite) est diffuse et se localise entre la surface et la zone saine. Un important réseau de pores capillaires se forme. Le front d'altération évolue en racine carrée du temps (altération supérieure à 1,5 mm après 5 mois). Le même matériau en contact avec l'argilite (ou de la bentonite), montre une altération moins intense, avec la formation de M-S-H à l'interface. Le calcium libéré lors de la décalcification (C-S-H + ettringite) diffuse vers le matériau argileux pour se substituer au sodium dans l'interfoliaire des montmorillonites, aucune illitisation n'est identifiée. Les épaisseurs perturbées des deux côtés de l'interface n'excèdent pas quelques centaines de microns après 1 an. Les simulations numériques (HYTEC) de tous les essais, reproduisent l'ensemble les mécanismes observés expérimentalement et permettent d'identifier les échanges de matière dans l'ensemble des configurations. Ces simulations ont notamment permis de valider l'hypothèse expérimentale de diffusion de silicium de l'argilite vers la pâte de ciment CEM I en lien avec l'illitisation, source de précipitation de C-S-H à l'interface.