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La dermatite atopique (DA) aussi appelée eczéma est une dermatose inflammatoire chronique se manifestant par un prurit intense et une sécheresse cutanée. La DA est multifactorielle et est caractérisée par une perturbation de la fonction barrière, une dérégulation de la réponse inflammatoire avec une réponse de type 2 dominante, impliquant des cytokines particulières telles que l’interleukine (IL)-25, l’IL-33 et le Thymic Stromal Lymphopoietin (TSLP), un infiltrat lymphocytaire T cutané, ainsi qu’une dysbiose caractérisée par une colonisation par Staphylococcus aureus et S. epidermidis des lésions cutanées. Toutefois, le lien de cause à effets entre ces différents facteurs nécessite d’être mieux évalué afin d’améliorer la compréhension de la physiopathologie de la DA.
Ce travail de thèse a pour but d’étudier : (i) les effets de cytokines de type 2, l’IL-25, l’IL-33 et le TSLP, dans la réponse kératinocytaire, (ii) l’impact de la colonisation par S. aureus dans la réponse inflammatoire des lésions cutanées et (iii) le phénotype des lymphocytes T (LT) circulants de patients atteints de DA. Par des analyses transcriptionnelles sur des cultures primaires de kératinocytes humains, nous montrons que la modulation de l’expression de la cytokine pro-inflammatoire IL-36γ par l’IL-25, l’IL-33 et TSLP est dépendante de l’état de différenciation du kératinocyte. De plus, l’IL-33 est impliquée dans l’induction de l’expression du peptide antimicrobien hBD-2 par le kératinocyte. D’autre part, l’étude transcriptionnelle de peaux non lésionnelles et lésionnelles de DA permet de constater une augmentation de la colonisation par S. aureus et S. epidermidis dans les peaux lésionnelles. La quantification des facteurs de virulence produits par S. aureus montre une augmentation de l’expression des toxines phénol soluble modulines (PSM) α et PSMγ, suggérant l’implication de ces toxines, connues pour favoriser la réponse pro-inflammatoire des kératinocytes, dans la DA. Nos données mettent en évidence que les peaux lésionnelles colonisées par S. aureus sont associées à une inhibition de l’expression de gènes codant des protéines impliquées dans la différenciation épidermique (filaggrine, loricrine et GATA3), et dans la régulation de la réponse inflammatoire, par l’inhibition de l’IL-34, une cytokine immunomodulatrice. De plus, une augmentation de l’expression de l’IL-33 et de peptides antimicrobiens (hBD-2, S100A8, S100A12 et LL-37) est observée dans les peaux colonisées de DA en comparaison aux peaux non colonisées. Ces données montrent un lien entre la colonisation par S. aureus dans la perturbation de la barrière cutanée et la promotion d’une réponse pro-inflammatoire et d’une induction des peptides antimicrobiens dans la peau lésionnelle qui semble inefficace pour lutter contre la colonisation par S. aureus. Enfin, l’étude du phénotype des LT circulants de patients atteints de DA sévère ou colonisés par S. aureus présentent une augmentation de la fréquence des marqueurs d’activation ICOS et HLA-DR uniquement dans les populations CD4 et CD8 CCR4+. Le récepteur CCR4 est un marqueur d’homing retrouvé majoritairement exprimé par les LT dans la peau, suggérant un rôle spécifique des LT CCR4+ dans la DA. De plus, nous mettons en évidence une augmentation des LT helper 2 (LTh2) corrélée à une diminution de la fréquence des LTh1 et des LT régulateurs exprimant FOXP3+ en comparaison aux donneurs sains. L’ensemble de ce travail renforce le lien entre la colonisation par S. aureus, la perturbation de la fonction barrière et la dérégulation de la réponse inflammatoire chez les patients atteints de DA.