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Tandis que le phénomène de la Garçonne s'essouffle à la fin des années vingt et que le beau sexe aspire à davantage de liberté, cette thèse a pour but d'envisager la redéfinition de l'image féminine dans la France des années trente, au travers des médias qui contribuent tout autant à sa création qu'à sa diffusion auprès du public.
Sous l'égide de la presse et de la publicité il s'agit d'appréhender l'Histoire du genre sous l'angle qui lui est le plus souvent dévolu, celui de l'apparence, afin d'envisager la construction d'un canon esthétique inédit et particulier. Au travers des magazines féminins, qui prennent leur essor commercial et gagnent en ascendance sur les femmes, il est ainsi possible d'étudier une facette spécifique de l'éducation féminine, bien loin des canaux traditionnels d'apprentissage, à savoir la maison et l'école. Une relation particulière s'établit à ce moment-là entre le genre et la presse, qui prend le rôle de guide, voire de professeur particulier, parvenant à pousser ses lectrices à de constantes remises en question et plus encore à de réelles modifications esthétiques.
Pour mesurer l'étendue des changements qui s'opèrent alors, comprendre leur impact sur le genre ainsi que les manières dont ils sont adoptés, cette thèse est construite autour de trois entités, le corps d'une part, qui permet d'envisager la silhouette rêvée par l'époque pour ses femmes, l'oeuvre de beauté ensuite, marquée par l'implication de la science et la consécration du marché des cosmétiques, puis enfin le rôle de l'apparence, par le biais des artifices bien connus du maquillage ou encore de la mode. Une surveillance accrue de la silhouette se met en place au cours de la période du fait des recommandations de la presse, sans laisser la moindre place à l'éventualité d'une quelconque imperfection, puisque le corps de la femme nouvelle doit être musclé et dynamique pour toujours paraître en bonne santé. Paraître saine est une idée qui transcende le canon féminin des années trente, et s'adjoint le désir d'une jeunesse visible sur le long terme, concrétisée par une multitude d'efforts menés pour accroître l'esthétique du genre. Un véritable culte de la beauté naît ainsi, exacerbé par un travail de chaque instant sur l'apparence, où se rejoignent notamment fards et vêtements dans une démarche communément jugée frivole, voir inutile. Pourtant, chacune de ces entités participe à la création d'une vision inédite de la femme, fantasmée sur le papier, qui prend vie grâce aux conseils avisés de la presse spécialisée. Volontaires, Mesdames et Mesdemoiselles s'appliquent à suivre les judicieux conseils qui leurs sont donnés, sans se plaindre de la difficulté pour elles de modifier constamment leur apparence en fonction du canon. L'individualité propre à chacune est garantie, tant qu'elle se conforme à l'idéal d'un corps révélant les proportions naturelles de son sexe, s'applique à montrer son plus beau visage grâce à des soins judicieux et le choix de vêtements qui la mettent en valeur, effaçant à eux tous le caractère d'imperfection attribué aux femmes tout au long de la décennie. Par son apparence, ce culte du « moi » qui se dessine alors, la femme des années trente se révèle, au regard des autres et plus encore du sien, dessinant pas à pas les contours d'une nouvelle indépendance sociale, se dédouanant d'anciens carcans sans perdre de vue le but de trouver le bonheur auprès d'un homme. Ainsi si la relation du féminin et du masculin tient encore largement au regard porté par le second que le premier, il n'est plus question pour les Françaises de se soumettre à leur père, leur fiancé ou leur mari, comme elles l'auraient fait avant la Première Guerre Mondiale.